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L'univers visuel de la pièce

 

 

Tout au long du spectacle, les comédiens s’intègrent aux écrans au point que ce soit naturel pour eux d’évoluer au milieu des souvenirs. L’objectif consiste à embarquer les spectateurs dans notre réflexion sur l’écart entre la réalité et l’idée que nous nous en faisons, en tout cas de questionner ce que vivent les personnages et ce qui tient du contexte économico-politique.


Les images ne cherchent pas à être une illustration du propos mais elles entrent en jeu, créent du jeu avec les comédiens. Ainsi par exemple, quand Pace s’éloigne de Dalton, elle court dans le film qui avance au gré des paysages qui défilent, mais elle reste sur place au plateau.


Vu sa place dans l’histoire de l’Amérique, l’œuvre de Dorothea Lange sera une référence pour le travail.   
Dorothea Lange est née à Hoboken (dans l'État du New Jersey), elle commence sa carrière de photographe à New York, avant de s'installer en 1918 à San Francisco où elle ouvre un studio de portrait. C'est la Grande Dépression qui la pousse à déplacer son champ d'action vers la rue. Ses photographies poignantes des sans-abris attirent l'attention de la Resettlement Administration, qui la recrute en 1935 et publie dans les journaux de tout le pays ses clichés de la pauvreté et de la détresse qui touchent alors violemment les États-Unis. Les photographies étant la propriété de l'État, elles sont publiées sans demande de paiement, ce qui contribue à leur propagation rapide et à faire d'eux des icônes de l'entre-deux-guerres américaine.  


Par ailleurs, nous nous inspirerons de films forts comme :  
Les moissons du ciel de Terrence Malick, Europa de Lars Von Trier, La bête humaine de Renoir, À l’Est d’Eden d’Elia Kazan, Les raisins de la colère de John Ford  


Les acteurs jouent devant -dans - un écran de cinéma ; tout au long du spectacle, de nombreux extraits, traces, documentaires -témoins des années 30 et de la crise économique- sont projetés.
Les acteurs jouent entre eux et avec l’image. Celle-ci se fait décor, espace orthonormé dans lequel leurs vies se jouent. Or il n’y a pas de place pour eux comme individus. Ils doivent se faufiler, composer, se glisser dans les éléments projetés. C’est en cela que la projection est riche. Elle permet de jongler avec l’ambiguïté du statut des corps ; dès lors, un personnage « réel » peut parler avec un personnage filmé.  


Qui des deux est le plus « vrai » ?  Un acteur peut passer outre le décor imposé pour s’adresser à un autre.  
Qui peut empêcher cette parole de circuler ?  Un acteur peut converser avec un comparse virtuel.  
Qui peut démêler le vrai du faux ? Nous sommes sans cesse dans un univers où les représentations du réel sont faussées (soi-disant implacables avec leurs logiques économiques inéluctables et des raisonnements imparables) ; et pourtant, la pièce le dénonce, les infos le démontrent, il y a bien une réalité tout à fait tangible de misère et d’écrasement des individus : totalement explicable, repérable, qu’on voit agir sous nos yeux… les bras ballants.


Du coup, c’est intéressant d’utiliser des archives cinématographiques pour créer de l’écart entre les périodes historiques et notre vie d’aujourd’hui, pour générer des questions au travers des représentations « des hommes au travail » qui traversent le temps, de regarder en face le  « non-travail ».


Pour conclure, disons que cette pièce est un formidable cadeau qui permet un mélange puissamment théâtral des temps et des modes de présence : Pace est parfois vivante, parfois morte mais toujours là, impossible à attraper, cerner, circonscrire et c’est cela sans doute qui en fait un texte parfaitement vivant, voire joyeux à certains moments.


La lumière est là pour créer de l’ombre, fabriquer de l’ombre, du trouble pour témoigner de la force, et de la violence de la machine.


Les costumes sont forcément d’aujourd’hui, incrustés artificiellement dans les décors « d’époque », volés au cinéma.

 
Le décor, le contexte devrait-on dire est virtuel, cinématographique, mais presque outrancièrement réaliste. Ce qui m’intéresse, c’est le contraste entre ces images musclées, noires d’huile et de crasse des hommes maîtrisant les machines, et la fragilité de la construction poétique de la pièce qui dénonce cette mécanique.  

 

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