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Anne Courel

 

 

Petite interview d'Anne Courel

par les élèves de 4e3

 

 

Quelques propositions de questions préparées en amont de la rencontre :

 

  • Quand est-ce que vous avez commencé et pourquoi ?

  • Pourquoi avez-vous choisi cette pièce ?

  • Combien de pièces avez-vous déjà mises en scène ?

  • C'est un métier difficile ?

  • Quels ont été vos sentiments quand vous avez finalisé la pièce ?

  • Combien de temps avez-vous mis pour créer cette pièce ?

  • Quelles études de théâtre avez-vous faites ?

  • Pourquoi avoir choisi ce métier ?

  • Quelle était votre première pièce ?

  • Quelle va être votre future pièce ?

Vous allez monter AU PONT DE POPE LICK de Naomi Wallace à l’automne 2013. Pouvez-vous nous dire pourquoi avoir choisi de monter ce texte de Naomi Wallace aujourd’hui ?

 

C’est une pièce magnifique qui me permet à la fois de raconter une histoire « de fille », avec son destin propre de jeune « presque-femme » saisie par la crise de 29, tout en questionnant le rapport au monde de tellement d’autres aux prises avec un monde bancal, mal ajusté, où l’intimité est sans cesse malmenée par la violence du contexte économique. On est à la croisée de l’individuel et du collectif, loin de tout manichéisme, au cœur de cette société dont le fonctionnement lamine, déchire, attaque les liens entre les individus. Naomi Wallace nous propose là une plongée dérangeante, sans concession, au cœur des mécanismes de « l’american way of life ».

 

Votre travail témoigne le plus souvent d’une attention particulière au texte, à la musicalité de la langue, qu’est-ce qui vous fait aller vers une proposition qui mêle images, théâtre et cinéma ?

 

Son écriture est ciselée, efficace ; sa poésie est sans concession - pour le sens de ce qu’elle veut développer - . Du coup je m’y retrouve. Le texte est bien là, premier. C’est lui qui fait avancer l’action, passer d’un monde à un autre. Avec son texte, de mots en mots, Naomi Wallace nous promène dans l’histoire de Pace et ses compagnons, au cœur de la vie de ces anonymes pris chacun à leur manière dans le tourbillon d’une Histoire qu’ils font et subissent. Avec violence et sensualité, elle fait s’entrechoquer les temps et les lieux, la mort et l’amour, le passé et le présent, le vrai et le faux, la réalité et la fiction. Je souhaite faire entrer le spectateur de plain-pied dans une réflexion sur le monde d’aujourd’hui et surtout sur la place qu’il laisse aux individus, que nous soyons en 1936 aux États-Unis ou quelque part en France au XXIe siècle. Pour la première fois, l’image me semble le champ d’expérimentation idéal tant l’imaginaire et la réalité qu’elle apporte sont indispensable à l’avance du récit. Néanmoins, je n’abandonne pas mon goût pour le travail sur le son ; outre la force du texte à faire résonner, les bandes son originales des documents filmés et des extraits cinématographiques seront la matière sonore de la musique du spectacle.

 

En quoi ces choix sont-ils une façon d’approfondir la réflexion que vous menez de spectacle en spectacle sur la manière dont le théâtre propose aux spectateurs un espace de dialogue sur les questions sociétales ? En quoi cette pièce permet de parler de notre époque, comment comptez-vous faire apparaître cette Amérique des années 30 comme actuelle ?

 

Naomi Wallace refuse d’être le peintre d’une Amérique passée ou d’un conflit entre nature et monde moderne qui écraserait les individus. Elle le dit et l’écrit : elle ne veut pas d’une Amérique poussiéreuse ; elle précise : la pièce ne se situe PAS dans « le Sud » ; elle enjoint les metteurs en scène à être le plus loin possible de l’idée d’« Amérique profonde, désert et

poussière ». Elle cherche à lutter contre l’idée reçue que les « racailles blanches » ne sont intelligentes que par accident, si tant est qu’elles aient la moindre intelligence ou que les travailleurs très pauvres soient des gens brisés, usés. Pour elle, ils n’ont pas le temps (le loisir) de se complaire dans la fatigue.

À sa suite, je me propose :

> d’utiliser les arts visuels pour interroger le réel et mettre l’outil numérique au service du texte, de l’histoire et de la représentation scénique.

> de faire jouer les acteurs avec les ombres et les images et de travailler sur leur immatérialité (pour mieux représenter les éléments inhérents à l’histoire comme la violence du train lancé à grande vitesse, la brutalité des outils et matériaux).

> d’interroger la résonnance de ce texte aujourd’hui et de jongler avec les représentations qu’ont -ou pourraient avoir-les spectateurs du contexte historico-politico-économique, de les questionner avec eux.

Au travers de ce spectacle, je chercherai comment les mots naissent aux confins de l’image en mouvement, comment convergent nos pratiques artistiques entre cinéma et art théâtral, en interrogeant notre culture contemporaine de l’image.

Plus le temps passe, plus le théâtre se fait documentaire, plus il veut témoigner du réel. Sans doute est-ce une réponse naturelle à une époque comme la nôtre, où le virtuel et le spectacle semblent avoir gagné sur tous les plans. Se pose à nous quotidiennement la question de la vérité, du moins du partage de la vraie vie avec des vrais gens. Or, Naomi nous propose une fiction pour mieux parler du vrai. Naomi n’écrit pas du théâtre verbatim ou du théâtre d’agit prop, encore moins du théâtre réaliste ou témoin de la réalité. Elle sait mentir pour dire la vérité, écrire une fiction pour mieux dire notre vérité. Je choisis de plonger les personnages dans un monde de cinéma. Sans doute pour que nous hurlions ensemble que la dépression, le labeur qui ronge, les temps difficiles et la crise, ce n’est pas du cinéma !

Interview d'Anne Courel

Interview reccueillie dans le carnet pédagogique rédigé par la compagnie

 

 

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